Les archées du Mont EREBUS
Extrait de l'article publié par National Geographic
le 20 juin 2013 et mis à jour le 02 juillet 2013
Photographies de Carsten Peter.
Trois scientifiques se sont donnés rendez-vous dans les entrailles de la Terre:
Olivia Judson, Craig Herbold, un grand américain trentenaire, post-doctorant à l’université de Waikato
(Nouvelle-Zélande), Ian McDonald, anglais réservé, biologiste à l’université de Waikato ainsi que Craig Cary,
américain exubérant chargé de la logisique, vétérans de la recherche antarctique.
Ici, le jour dure quatre mois, mais les scientifiques y traquent la vie dans l’obscurité.
Durant des jours, ils ont fouillés les grottes cachées au cœur du mont Erebus,
un volcan actif situé dans l’océan Antarctique.
Leur mission : dénicher des traces de vie dans les sols chauds du volcan…
Pourtant au cœur de l’un des lieux les plus froids du globe.
De Shackleton à nos jours
Le mont Erebus est le volcan actif situé le plus au sud de la planète. Il a commencé à se former voilà 1,3 million d’années et culmine désormais à 3 794 m.
Glace, neige, glaciers et crevasses couvrent ses pentes mais, le plus souvent, de la vapeur s’élève de son sommet, témoignant de la chaleur régnant dans ses entrailles.
Le volcan ne fut gravi qu’en 1908, par des membres de l’expédition « Nimrod » de Sir Ernest Shackleton (quand celui-ci mena une équipe à moins de 100 milles nautiques du pôle Sud, mais fit demi-tour pour ramener tous ses hommes sains et saufs).
Le groupe dépêché par Shackleton parvint au sommet de l’Erebus en cinq jours et demi. Une tempête de neige obligea ses membres à rester dans leurs sacs de couchage plus de vingt-quatre heures durant, sans boire, par – 34 °C.
Désormais chaque année depuis 1972, une équipe passe une partie de l’été austral à y enquêter sur des sujets tels que la nature et la fréquence des éruptions, les types de gaz émis et l’âge des roches.
Étude de contrastes : glace et neige au premier plan, avec le lac de lave du mont Erebus en contrebas.
C’est l’un des rares volcans du monde dont le lac est permanent.
Calme quand cette photo a été prise, il entre cependant souvent en éruption, projetant des bombes de lave à de hautes altitudes. Le mystère de l'achéobactérie
On en sait beaucoup moins sur la biologie des lieux. En partie parce que l’Erebus abrite surtout des formes de vie microscopiques. Exceptions principales : quelques mousses et cyanobactéries (des bactéries qui, comme des plantes, convertissent la lumière du soleil en énergie et peuvent former des colonies assez grandes pour être observables à l’œil nu).
L’équipe de microbiologistes part prélever un échantillon des sols chauds du volcan.
Pour protéger les formes de vie locales, les chercheurs aspergent leurs bottes d’éthanol,
débarrassant celles-ci d’agents contaminants extérieurs.
Ils portent aussi des combinaisons stériles par-dessus leurs tenues polaires.
Jusqu’à une date récente, l’étude des microbes inconnus posait problème : à défaut de pouvoir les cultiver en laboratoire, on ne pouvait pas les décrire – sans même parler de les étudier. Or la plupart d’entre eux s’acclimatent mal à la vie en laboratoire.
Il n’est maintenant plus nécessaire de cultiver un microbe pour le connaître. Les techniques génétiques mises au point cette dernière décennie permettent d’identifier des communautés entières de microbes grâce à leur seul ADN, et fournissent une image nettement plus complète de la répartition des êtres vivants.
Cordes et échelles facilitent l’accès à Warren Cave (« grotte du labyrinthe »).
La chaleur du volcan a creusé son dédale de galeries dans la glace.
Les festonnages visibles autour de l’entrée de la grotte sont sans doute dus à de
petits courants d’air.
La biosphère du sol profond, loin sous la surface de la Terre, là où ces organismes vivent dans des roches, est l’un des écosystèmes les moins connus du globe. Mais peut-être l’un des plus étranges et des plus importants (selon des estimations, il pourrait abriter un tiers des bactéries de la planète).
De tels microbes ne tirent pas leur énergie du soleil mais d’autres sources, telles que le fer ou l’hydrogène.
Cet écosystème profond, plongé dans l’obscurité, pourrait aussi être l’un des plus primitifs de la Terre et abriter des formes de vie ayant suivi depuis longtemps une évolution séparée.
À l’intérieur des grottes de glace, l’air chaud et humide du volcan donne naissance en gelant à
des cristaux de givre, dont la forme varie selon l’intensité et la direction des courants d’air.
Ici, un membre de l’équipe recherche des galeries au fond de Hut Cave (« grotte de la hutte »).
Herbold s'interrogea au sujet de ses « drôles » d’archées:
« Elles sont si étranges. Je ne comprends tout simplement pas comment elles fonctionnent. » Les archées constituent l’une des trois branches principales de l’arbre du vivant (les deux autres étant les bactéries et les eucaryotes, des organismes ayant des cellules à noyau, comme les plantes, les champignons et les animaux).
Et bien qu’elles puissent vivre – et vivent bel et bien – dans des lieux aussi ordinaires que la haute mer, les archées sont connues pour être des extrêmophiles : des formes de vie qui prospèrent dans les environnements les plus extrêmes qu’offre la planète.Par exemple, de l’acide en ébullition – excusez du peu. Il n’est donc pas surprenant de les retrouver tapies dans les sols brûlants du mont Erebus.
Or ces archées-là sont des plus mystérieuses. Découvertes dans des sols collectés lors de précédentes expéditions sur l’Erebus, elles n’étaient jusqu’alors connues que par leurs séquences d’ADN, qui ne présentaient guère de ressemblances avec celles d’archées trouvées ailleurs.
Cela tendrait peut-être à prouver qu’elles suivent depuis très longtemps leur propre voie sur le chemin de l’évolution. Viennent-elles des profondeurs du sous-sol ? Il est trop tôt pour le dire.
À minuit, la lumière demeure si vive que les scientifiques ont du mal à arrêter l’exploration des tours de glace.
Quand elle entre en contact avec l’air froid, cette humidité gèle, édifiant des structures qui peuvent dépasser 10 m de hauteur.
Celle-ci est l’une des plus grandes du mont Erebus. Le flux humide et chaud venant du sous-sol en a fait s’effondrer tout un pan.
Au loin, au-delà d’une autre tour de glace, la péninsule de Hut Point s’avance en direction du mont Discovery.
Enfin, Cary explique que les missions sur l’Erebus font partie d’une étude plus large des sols volcaniques chauds: son équipe a déjà recueilli des sols d’autres volcans antarctiques, est allée à Yellowstone l’été dernier et prévoit de se rendre bientôt au Costa Rica.
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http://www.nationalgeographic.fr/3006-mont-erebus-volcan-antarctique/
http://photo.nationalgeographic.fr/descente-au-coeur-du-mont-erebus-un-volcan-actif-en-antarctique-2158
je vous invite à lire l'article intégral d'Olivia Judson publié:
Une quête scientifique entre terre de glace et fournaise volcanique dans les sous-sols du mont Erebus.
http://www.nationalgeographic.fr/2939-mont-erebus-antarctique-volcan-science/